Par définition, la schizophrénie est une psychose chronique caractérisée par une dissociation de la personnalité, se manifestant principalement par la perte de contact avec le réel, le ralentissement des activités, l’inertie, le repli sur soi, la stéréotypie de la pensée, le refuge dans un monde intérieur imaginaire, plus ou moins délirant, à thèmes érotiques, mégalomanes, mystiques [religieux], pseudo-scientifiques avec impression de dépersonnalisation, de transformation corporelle et morale sous l’influence de forces étrangères, en rapport avec des hallucinations auditives, kinesthésiques.
Le médecin Omran Ishaq Ibn-Imran[1] [m. 908] originaire de la province de Kairouan [Tunisie]. Père fondateur de la Psychiatrie au sens moderne du terme étudie d’une manière rigoureuse la nature, les symptômes, les étiologies, les complications des maladies mentales et leurs traitements. Il décrit fort bien ces sujets, malades, tout absorbés par eux-mêmes, immergés dans des rêves, des délires et des méditations intérieures, retirés du monde extérieur jusqu’au repli morbide sur eux-mêmes.
Esprit rationnel, le brillant O.I. Ibn-Imran, auteur central de la Psychiatrie, n’accorde aucun crédit aux causes surnaturelles qu’il condamne et qu’il combat telles que la possession par des Jinn, les sortilèges, le Sīhr, le Aiyn, l’envoûtement, la magie, etc. Loin du charlatanisme, il énonce le fondement des Neurosciences, et en particulier celle de la Psychiatrie : l’étiopathogénie[2]. Il décrit les symptômes élémentaires des Psychoses, telles que la Schizophrénie, Psychoses maniaco-dépressives ou Troubles bipolaires, les Délires chroniques et paranoïaques ; les Névroses[3] et bien entendu la Mélancolie[4].
Son ouvrage magistral « Kītāb al-Malikhûliyã [« Livre de la Mélancolie »] » est traduit et plagié par le moine Constantin l’Africain [1015-1087] sous le titre de « De melancolia ». A noter, que Malikhûliyã terme arabe crée par O. Ibn-Imran latinisé en Melancolia par le traducteur. Le médecin formule d’étonnantes règles d’hygiènes mentales, diététiques et thérapeutiques.
De nombreux exemples d’histoires, de récits et d’anecdotes de « possession » par les Jinn se rencontrent dans la culture populaire. Des expulsions fréquentes de Jinn ou de légions jinniennes sont imputées aux roūqiyā [exorcisme] des Taleb ou Roūqiyistes [Exorcistes] professionnels qui monnayent à prix d’or la lutte primordiale entre leur pouvoir [octroyé selon eux par Dieu et d’après l’expérience acquise auprès de la Tradition] et la puissance démoniaque des Jinn qui a pris « possession » du corps de la victime. Qui dit « possession » dit sorcellerie, ou Sīhr, aux yeux de la population, des « possédés » et des Taleb. En effet, pour eux, les deux phénomènes sont associés, voire confondus.
En réalité, les cas de « possession » ne sont que des pathologies d’ordre psychologique ou psychiatrique [Psychoses : schizophrénie, troubles bipolaires, etc.]. En effet, il est plus acceptable et moins « honteux » ou moins « déshonorant » pour les familles de dire qu’il [ou qu’elle] est « possédé [e] » que d’avouer que l’un des leurs relève de la Psychiatrie.
Par définition, le terme posséder, dans le sens de soumettre à une force démoniaque ou surnaturelle [la possession est l’état d’une personne soumise à cette force], ici le Jinn shaytān [ou Jinn « Semeur de Désordre »] du folklore et de la superstition véhiculés par la culture populaire.
En se référant à certains travaux sur ces entités invisibles[5] l’hypothèse que les Jinn ont la faculté de « posséder » l’homme, c’est à dire de s’introduire dans son corps afin de le contrôler, tel un robot, est tout simplement à rejeter car impossible. En effet, une créature d’origine plasmatique comme le Jinn ne peut « pénétrer », occuper ou être contenu à l’intérieur d’un humain.
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[1] Nas E. Boutammina, « Les fondateurs de la Médecine », Edit. BoD, Paris, septembre 2011.
[2] Etiopathogénie. En médecine, étude du mécanisme causal d’une maladie.
[3] Névrose. Affection psychique caractérisée par l’absence de lésion ou de trouble organique et ayant ses racines dans l’inconscient du sujet qui présente des troubles mineurs du comportement, conserve la conscience du caractère morbide de ses troubles [contrairement à la psychose, ce qui entraîne généralement une évolution favorable lors du traitement psychothérapeutique].
[4] Mélancolie. En psychiatrie, état dépressif aigu.
[5] Nas E. Boutammina, « Le Jinn, créature de l’Invisible », Edit. BoD, Paris, janvier 2011.