Étude de l’Anatomie et progrès de la Médecine [1]
« […] Certains théologiens éclairés qui fréquentaient le cercle des scientifiques et des médecins afin d’enrichir leurs connaissances de l’apport de la Science louèrent l’étude de l’Anatomie comme moyen pour démontrer le dessein et la sagesse de Dieu.
Le médecin et célèbre biographe Ibn Abi Uçaybiya [1202- 1270] [2] rapporte la pensée médicale de A.W.M. Ibn-Rushd [1126-1198] concernant la dissection approfondie de l’homme en vue de déterminer sa structure et qui est résumée dans la phrase suivante :
« Quiconque s’occupe de la science de l’Anatomie [Ilm al- Tashrih], accroît sa foi en Dieu » […] »
Les Traditionnistes, Gardiens de l’Obscurantisme
« […] Puisque la Médecine est crée par des érudits et est étroitement liée à la Recherche de la Vérité et au refus de l’obscurantisme [3] de la Tradition [« Hadiths »], la pensée médicale [ainsi que la Sciences en général] fut affectée et son développement complètement inhibé.
La plupart des Traditionnistes ou Gardiens de la Tradition [« Hadiths »] ignares et rétrogrades [4] comme les Jurisconsultes [Muftis, Ulémas, etc.] se mirent à nier avec virulence [dans les mosquées, auprès des autorités -khalife, princes, vizirs-, des gens influents -riches, marchands- et dans les places publiques] tout savoir en dehors de la Révélation.
Ils se sont mis à remettre en question les connaissances antérieurement admises, l’observation et l’étude du fonctionnement [lois] de la nature et de l’Univers. Dès lors, ces derniers ne pouvaient plus continuer à constituer des sujets de recherche scientifique et de développement des domaines de la pensée [Sciences, Techniques].
En ce qui concerne l’Anatomie, la plupart des Traditionnistes ont été virulents à l’encontre de l’iconographie et du dessin représentant les êtres vivants [les mammifères dont l’homme] qu’ils prohibèrent par de vives fatwas [5].
En conséquence, cet art n’a pu s’épanouir. Rares sont les musulmans qui auraient souhaité l’étudier sans enfreindre la législation des incultes Traditionnistes [au même titre que la musique ou le chant]. De ce fait, l’art du dessin, notamment anatomique, pratiqué par les médecins, chirurgiens et anatomistes musulmans, n’est pas élevé à un très haut niveau, on le comprend : ce ne sont pas des artistes peintres.
En somme, leurs dessins ne sont pas d’aspect photographique [comme par exemple ceux de L. de Vinci -1452-1519-], mais néanmoins, ils restent pragmatiques et donc très précis [6]. En effet, ils sont au préalable des cliniciens, des théoriciens, des chercheurs et des praticiens doués d’esprit, de finesse, d’ingéniosité et surtout de génie qui ont su créer les Sciences médicales ! […] »
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[1] Nas E. Boutammina, « Les fondateurs de la Médecine », Edit. BOD, Paris, Septembre 2011, p.203-204.
[2] Ibn Abi Uçaybiya, « Uyûn al-Anbâ’ fî Tabaqât al-Tibbâ – Biographie des Médecins – », T. II. P. 77, lignes 13-14.- Edit. A. Mueller, 2 vol. Le Caire/Königsberg, 1882-1884 ; nouvelle éd., Beyrouth, 1965.
[3] Obscurantisme. Relatif à l’obscurantisme, au refus du progrès, de la diffusion des connaissances et de la culture.
[4] Rétrograde. Qui est contre le progrès et reste attaché aux traditions du passé.
[5] Fatwa. Décision juridique en droit religieux traditionniste prise par un Mufti ou un collège de dignitaires traditionnistes.
[6] De même de nos jours, n’importe quel médecin ou professeur éminent est incapable d’effectuer un dessin anatomique fidèle ; mais s’il le fait, il sera schématisé et précis quant à son interprétation.